Le jour vient de se lever, le réveil vient de sonner et Flora entame sa routine quotidienne qui consiste à faire sa prière, prendre sa douche et s’apprêter à revêtir son allure d’amazone pour affronter une autre journée au travail.
Ce matin-là pourtant quelque chose se passe dans la tête bien pleine et bien faite de celle qui a décroché un MBA avec tous les honneurs. Flora qui vit seule depuis son retour au pays après de brillantes études aux Etats Unis, ressent une folle envie d’immortaliser sa pensée du jour avant de quitter la maison. Sans même réfléchir, elle s’empare d’un post-it et se prête à cet exercice inhabituel pour celle qui sait que le temps c’est de l’argent. Puis elle pose ce bout de papier à son chevet et reprend le cours normal de sa vie.
Dans le parking des bureaux elle rencontre Margot, une collègue qu’on appelle affectueusement « la doyenne » tant elle a consacré toute sa vie à ce géant de l’industrie agro-alimentaire. Elle est devenue incontournable dans son fonctionnement et il vaut mieux l’avoir comme alliée …
Flora se dépêche de lui faire l’utile accolade quand celle-ci lui dit avec son petit air de Marraine qu’on souhaiterait tous avoir : « Ma fille tu es toujours sapée vraiment ! Mais ma chérie c’est bizarre hein … quelque chose me dit que ton avenir n’est pas ici ! »
Sans même réfléchir sur les mots que venait de prononcer cette bonne dame elle courut rattraper cet ascenseur qui la propulserait comme d’accoutumée au 7ième étage de cet immeuble où elle a su se forger sa place en qualité de Directrice Administrative et Financière.
Cette carrière a été tracée avant même qu’elle ne sache compter. Elevée dans une famille chrétienne avec à la tête un père expert-comptable, pour qui la réussite de ses enfants valait plus que tout au monde. La cadette d’une fratrie de 3 enfants, Flora était reconnue pour être docile et obéissante. Elle faisait la fierté de son Père. Il ne manquait jamais en public ou en privé une occasion de la féliciter sur son parcours sans faute.
Sa mère était une institutrice de formation mais qui n’avait jamais exercé cette fonction, se consacrant plutôt à aider son mari en soutenant sa vision. Celle d’un foyer ou le père est pourvoyeur et la mère est à la tâche pour inculquer des valeurs et des principes aux enfants.
Toutes ces années passées dans ce nid douillet, avaient guidé Flora sur le chemin du succès ou du moins la définition que son père en faisait. Toujours très occupé à gérer son cabinet d’expertise comptable, l’un des meilleurs de la ville, il a passé peu de temps à s’attarder sur les talents de ces enfants. Et des talents, Flora en avait à revendre. Elle dessinait mieux que quiconque et même au lycée, elle réalisait déjà le portrait de ses amies pour gagner de l’argent de poche. Un autre talent était celui de transformer les plats traditionnels avec une touche de modernité. Flora aurait, si elle le pouvait, passé autant de temps dans la cuisine qu’au bureau. Résultat de l’influence d’une mère qui a inculqué à sa fille l’importance d’un repas cuisiné avec amour et imagination.
A peine installée à son bureau elle reçut le mail d’un fournisseur lui notifiant qu’il cesserait ces prestations avec l’entreprise. C’était le prestataire qui gérait le service de restauration. Flora était prise de peine pour cet entrepreneur. Un autre fournisseur elle en retrouverait facilement mais elle éprouvait de la compassion à l’égard de ce chef d’entreprise qui voyait certainement des années de travail s’écrouler. Elle demanda à le rencontrer pour formaliser la fin du contrat. Quand Patrick arriva à son bureau elle lui posa l’inévitable question : « Pourquoi arrêtez-vous cette activité ? Que s’est-il passé ? Mauvaise gestion ?» Car pour ce modèle de réussite, cette décision ne pouvait être que le résultat d’un échec.
Il lui répondit avec un grand sourire : « J’arrête car je pars à la rencontre de mon destin ! »
Choquée, Flora le fixa avec des yeux qui se voulaient silencieux. Son bureau qui lui offrait une vue imprenable sur le centre des affaires, devenait subitement inconfortable. Une ruée de pensées venait frapper à la porte de son esprit. Se refusant de succomber à ce qu’elle qualifiait de distraction, elle se ressaisit.
« Il doit être fou ! » se disait-elle comme pour se rassurer qu’elle avait toujours le contrôle de ses émotions.
Patrick, qui comprenait bien sa réaction, continua son propos : « j’ai appris que le succès est relatif et que la plus grande quête qu’un être humain doit poursuivre est le destin qui est le sien. Je suis appelé à aider des jeunes des quartiers défavorisés. Je vais ouvrir un centre en banlieue pour les assister dans la formation et la quête de leurs destinées. »
Flora descendit soudain de son petit nuage et venait après 30 ans de vie, de réaliser qu’elle était peut-être en train de vivre quelque chose d’incroyable, ce rendez-vous inédit avec la vie. Elle repensa alors à cette phrase qui lui trottait dans la tête et qu’elle avait gravé ce bout de papier : « Je veux rencontrer mon destin » … Que signifiaient les paroles de Margot à son arrivée ce matin? Un autre signe du destin ? La voix de Dieu ?
La fin de l’histoire c’est Flora qui la décidera. Cette croisée des chemins… Le projet d’un père face au projet du Père… Des études mais aussi des aptitudes… Des habitudes qui dévoilent de la lassitude… Ce difficile appel auquel nous devons répondre mais pouvons aussi décider d’ignorer…Combien de fois nos vies ne sont que le reflet des aspirations des autres ? Le pire n’est pas de mourir mais de vivre une vie qui n’est pas la sienne. Heureusement Dieu a le pouvoir de nous trouver partout où nous sommes. A chaque étape, à chaque instant. Que L’Esprit Saint nous guide sans cesse sur le chemin de notre destin.
Ne rater pas le prochain chapitre sur une autre femme : Laetitia, prisonnière de son passé.
Fabienne LEPRY
« Je suis une femme qui croit fermement que les leçons apprises de nos erreurs nous construisent, que la parole de Dieu nous instruit sur la vie et qu’ensemble les femmes peuvent vaincre l’impossible. Passionnée d’écriture et promotrice de la solidarité féminine, je suis persuadée ...
